samedi 15 septembre 2007

Comment jouer du djembé: les solos

Un des aspects les plus importants dans l'apprentissage de la percussion, hormis les rythmes de base, est de savoir comment faire des solos. Beaucoup d'étudiants à qui je parle me pose la question pour savoir comment réussir à faire un bon solo. La réponse à cette question est loin d'être simple. L'art du solo est constamment à parfaire, et même moi, j'en apprends à chaque jour sur cette technique. Je prends quand même cet espace aujourd'hui pour vous donner quelques trucs qui vous permettront de bien débuter et surtout, bien pratiquer.

Les préjugés

Avant d'y aller avec mes conseils, voici une liste des trois plus grands préjugés ou idées préconçues à l'égard des solos, qui ne sont pas vraiment de bonnes références sur lesquelles se baser avant de se lancer dans des prouesses spectaculaires au tambour. Noter bien que cette liste est personnelle, et loin d'être complète. À vous d'en juger.

Un bon solo doit contenir un maximum de frappes, ou de notes, dans le plus court laps de temps possible.

C'est totalement faux et même, à éviter, car l'oreille sera saturée par ce qu'elle entend.

Un solo doit être joué avec des frappes qui détonnent, en jouant le plus fort possible.

Autre erreur à éviter, puisque cela peut vous blesser d'une part, et vous vider de votre énergie, de sorte que vous ne pouvez plus poursuivre la pièce musicale une fois votre solo terminé.


Un solo se doit d'être joué à très grande vitesse.

Cela peut être vrai dans certains cas, mais c'est loin d'être la norme. Un solo peut être joué à n'importe quel tempo, donnant ainsi une toute autre couleur au rythme. La ligne à respecter est celle imposée par les autres instruments. On joue le solo souvent à la même vitesse que la musique qui le soutient.

Qu'est-ce qu'un solo?

La réponse à cette question est toute sauf objective. Chacun a sa propre conception d'un solo, mais il y a de grandes lignes directrices à savoir au niveau technique. Ma conception d'un solo est, à la base, un équilibre. Un solo vient mettre de la couleur et surtout, de l'intensité dans une pièce musicale. Par équilibre, le solo se doit de contenir des moments de silence qui font partie prenante du corps, du squelette auquel le soliste s'accrochera, pour ensuite pencher, sans excès, vers un remplissage de ces silences, avec des notes.

En percussion, le squelette d'un solo peut souvent consister à des parties de rythmes, d'accompagnements appris, que l'on peut modifier à son gré au fur et à mesure que le solo se déroule. Un facteur clé qui influencera à coup sûr le solo est le temps. Combien de temps le musicien dispose pour faire son solo, pour le créer, pour le bâtir. De plus, un solo se doit d'avoir un début et une fin. Le but est d'arriver à stimuler l'oreille de l'auditeur, à lui indiquer que quelque chose de spécial se passe dans la pièce musicale, à briser la routine.

Un solo sert également pour certains contextes particuliers. Je fais référence ici à la danse, par exemple la danse africaine, où un leader dans le groupe va ponctuer les pas de danse de frappes sonores et bien senties. Ici, le solo sert à supporter l'énergie, à agir comme un cataliseur pour garantir un effet d'entraînement aux pas de danse. Le danseur en vient ainsi à bouger avec un corps qui trouve son écho dans l'espace. Je ne vais pas m'attarder ici sur ce type de solo qui est assez particulier, peut-être en ferais-je davantage allusion dans un autre billet.

Les ingrédients

Maintenant que vous connaissez ma conception d'un solo, je vais vous entretenir sur les ingrédients à toujours se référer pour garantir un solo qui réussira, à tout le moins, à insuffler une dose d'intensité et de couleur à votre musique. Encore une fois, cette liste est tout-à-fait subjective et non-scientifique, donc vous en faites ce que bon vous semble.

  • L'émotion - Cet ingrédient est essentiel. Un solo se doit de véhiculer une émotion. De par l'émotion, je parle de celle qui vous habite à l'instant même où vous amorcer votre solo. Branchez-vous à ce qu'il y a de plus ressenti chez vous, non pas à ce que vous pensez, mais à ce que vous vivez comme sentiment, que ce soit de la colère, de la joie, de la peur, de la tristesse...Les possibilités sont infinies. Laissez ce sentiment émerger, et non seulement vous allez vous sentir infiniment mieux après, mais ce sentiment véhicule l'énergie et la puissance nécessaire pour effectuer un solo qui saura remplir son but: imprégner les oreilles du public pour qu'ils puissent se souvenir de la beauté de votre musique.
  • Le contact - En plus de véhiculer une émotion, le solo doit pouvoir toucher le coeur des gens qui vous écoutent. Alors imaginez-vous en train de jouer un solo sur votre tambour, en fixant constamment des yeux vos mains. Cette attitude corporelle est à proscrire. Il faut «ouvrir» votre solo, pour vos collègues musiciens d'abord, mais surtout pour le public. Il se passe alors un échange entre vous qui offrez et le public qui reçoit votre solo. Dès ce moment, la réaction d'exclamation comme les applaudissements et les cris devraient vous servir comme tremplin pour vous lancer plus à fond dans votre solo. La clé ici est de plonger! Soyez gestuel, théâtral dans votre solo, agrémentez-le de gestes, comme par exemple lever le bras dans les airs pendant que la main opposée frappe, faire semblant d'attraper l'air avec vos doigts, changer votre expression faciale...Les possibilités sont infinies! 
  • La confiance - Peu importe votre habileté technique à effectuer des solos, le plus important est de croire dur comme fer en vos moyens. Assumez-vous complètement et simplement. Un bon solo peut être seulement quatre notes, comme quatres basses, mais tellement puissantes et tellement senties qu'elles en donnent le frisson à l'auditeur.  Un bon geste avant d'entamer votre solo est de bien ancrer vos pieds au sol, de façon à vous enraciner. Prendre quelques secondes pour respirer et se centrer, faire le vide, est idéal pour élever le niveau de confiance. Le soloïste peut ressentir la peur, mais il ne doit pas la laisser transgresser son attitude, il doit s'en servir comme source de motivation pour plonger. Briser les barrières.
  • L'écoute - Une autre grande qualité à développer pour jouer un solo est d'aiguiser son oreille, c'est-à-dire, développer l'écoute musicale. Un solo se greffe à la musique pour se fondre avec elle. Éviter donc de partir dans des envolées de sons à grande vitesse ou à très fort volume, cela brisera la magie du solo. Mon prof Sénégalais m'a toujours dit que lorsqu'il joue un solo, il suit toujours la ligne des dunduns, les tambours qui agissent comme le métronome dans le rythme. Donc, peu importe l'instrument que vous jouez, essayer de repérer ce qui est régulier dans le rythme, comme les basses par exemple. Cela vous donne des balises pour bien appuyer les bases de votre solo, tout en évitant de jouer trop vite.

Par où commencer ?

Voici finalement quelques trucs de base pour vous guider à briser les barrières qui empêchent souvent de jouer des solos. Ces trucs, combinés aux ingrédients mentionnés auparavant, ont été les éléments que j'ai utilisés pour faire en sorte qu'aujourd'hui, lorsqu'on m'offre l'occasion de jouer un solo, je la saisis sans même me poser la question.

  • Écouter les solos de grands musiciens - Ce truc peut paraître complètement anodin, mais c'est de loin le plus important. Soyez alerte, en écoutant des rythmes africains où un maître performe un solo. Qu'est-ce qui, dans le solo, vous «parle», en termes d'émotions, d'intensité, qu'est-ce qui vous impressionne, en tant qu'auditeur ? Enregistrez ces éléments et décortiquez-les pour ensuite tenter de les reproduire.
  • La zone de confort - Cela m'amène à vous mettre en garde, en tentant de reproduire des éléments constitutifs des solos de grands maîtres. Il ne faut surtout pas viser trop haut. Un bon solo peut être tout simplement des basses qui sont tellement assumées et ressenties que les émotions et le contact avec le public seront quand même au rendez-vous, beaucoup plus que vous ne le croyez. Trouvez alors votre zone de confort, soit celle où vous estimez être à l'aise au niveau de l'exécution de vos frappes et la vitesse.
  • Varier les sons - Le son de prédilection pour les solos est sans contredit la claque. Étant très aérienne, cette frappe a beaucoup d'impact à l'oreille. Par contre, il faut éviter de trop l'utiliser, car ce qui fait la mélodie du solo est la combinaison savamment dosée des frappes et de la vitesse. C'est là l'aspect le plus difficile à travailler. Apprenez donc à entrecouper vos claques par des tons ouverts et des basses.
  • Le quatrième son: le silence - N'oubliez jamais qu'hormis les trois sons du tambour, il y en a aussi un quatrième: le silence. Intégrez-le dans vos solos. Il a en fait deux utilités. Il sert à récupérer physiquement, surtout à haute vitesse. Aussi, le silence permet à celui qui performe de mieux trouver ses points de repères en ressentant le rythme qui appuie son solo, tout en permettant aux auditeurs de ne pas être saturé par les multiples sons qui parviennent à leurs oreilles. Le silence est le meilleur moyen de pouvoir contraster votre solo et lui donner de l'impact. Par contre, trop de moments de silences dans votre solo rendra ce dernier fade et sans couleur.
  • Chanter! - Le dernier élément qui me permet de toujours m'entraîner dans mes solos, sans nécessairement avoir l'instrument sous la main, c'est de...Chanter! Chanter vos solos lorsque vous écouter de la musique, peu importe son genre. En utilisant le Pa pour la claque, le Pi pour le ton ouvert et le Pou pour la basse par exemple. Votre cerveau s'entraînera alors à enregistrer des "patterns" rythmiques, et vous verrez, lorsque viendra le temps d'effectuer votre solo réellement, vos mains appliqueront ce que votre cerveau aura enregistré!

Pour terminer...

Voyez le solo comme un privilège, et non comme un défi insurmontable. Rien n'est plus beau que de voir un djembéiste s'exécuter corps et âme sur son instrument, ouvrant ainsi les portes de son esprit, laissant parler et exprimer par ses mains, son visage, son corps tout entier, ce qui se cache au plus profond de lui-même. Et souvent, ce qui s'y trouve est un trésor inestimable.

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