samedi 7 février 2009

Le djembé comme itinéraire

C’est par un froid et une neige soutenue que j’arrive mardi dernier, vingt minutes avant l’heure prévue (ô miracle!), à la Maison Old Brewery, où j’ai vécu un moment extraordinaire, encore une fois grâce au djembé. Un nouveau projet d’aide sociale s’est ouvert à Samajam et j’ai l’honneur de le piloter. La mission: montrer les bases de la percussion à un groupe d’itinérants. Le but: les sortir de leur quotidien empreint de lourdeur et de solitude.

Il n’aura fallu que deux réunions, une avant les Fêtes où nous avons animé un atelier à l’équipe d’intervenants, et une autre il y a deux semaines à peine, pour tout mettre sur les rails. Quoique confiant de mes aptitudes, j’étais en proie à une certaine nervosité. « Dans quoi me suis-je encore embarqué ?» Sans trop le savoir, et tout comme avec mon groupe de personnes handicapées, j’étais sur le point de vivre une rencontre qui va probablement me marquer pour la vie.

Je n’ai pas hésité une seconde à accepter le projet. C’est là un aspect essentiel qui m’a guidé dans l’enseignement de la percussion jusqu’ici. L’aspect social, humain de l’instrument. Les vertus du djembé étant d’abord d’apprendre à jouer ensemble, en groupe, sur une base d’égalité, sans jamais chercher à rabaisser son prochain. Toujours dans une atmosphère de respect, de plaisir, de lâchez-prise. Cet état de bien-être, si j’arrive à le communiquer à ces gens qui en recherche désespérément, là sera mon salaire, là sera mon cadeau.

L’itinérance étant l’antipode de tout  objectif de vie, je vois le djembé comme étant l’étincelle qui peut allumer une flamme, toute petite soit elle, dans le coeur de ces êtres humains qui vivent chaque seconde de leur vie dans l’invisible, effacé du monde, en proie avec leurs peurs, leur colère, leur incompréhension…En même temps, l’instrument m’ouvre une porte dans ce monde que je ne connais guère. Un monde où la maladie mentale est omniprésente, où les coeurs sont encrassés par la solitude, si bien que plusieurs couches de méfiance et de fermeture recouvrent ces êtres qui jadis, avaient une vie dite normale.

Dans le fond, là réside je crois la source qui me pousse à réaliser ce projet. Personne ne choisit de devenir itinérant. On le vit, on le subit. C’est le fond du baril, lorsqu’on n’en peut plus. Et je suis persuadé que le djembé peut donner l’élan pour remonter cette longue côte, retrouver la surface, redevenir quelqu’un.

En apercevant les participants faire leur entrée dans la cafétéria ce matin-là, j’en suis à cette réflexion. Et dès les premières secondes où nous avons entamé la musique, mes comparses et moi, je me suis senti en pleine confiance, et la nervosité s’est transformé en véritable soif de vouloir transmettre cette étincelle. Je me suis retrouvé à enseigner à 25 êtres humains qui ne se doutaient pas que ce moment qu’ils s’accordent dans leur journée leur feront du bien, leur permettront non pas de décrocher de leur vie, mais de s’y accrocher, avec une poigne solide et durable.

Pour eux, c’est un nouveau départ. Pour moi aussi. Le djembé leur servira d’itinéraire. Pour se défaire de leur étiquette non méritée. Pour se prendre en main. Pour vivre enfin, et arrêter de se laisser vivre.

Voici en images à quoi ressemblait cet extraordinaire matin du 3 février où quelque part à Montréal, une nouvelle aventure de coeur a débuté.

Derniers articles parus

Template developed by Confluent Forms LLC; more resources at BlogXpertise