jeudi 30 juillet 2009

La naissance d’Issaïa

Quand je prends le temps de m’arrêter pour passer en revue les trois derniers mois, j’ai peine à croire tout ce qui s’est passé en si peu de temps. À travers les aléas de ma petite vie personnelle, un projet grandiose s’est matérialisé grâce aux efforts d’un groupe soudé, uni et inspiré par le djembé. L’école Samajam a été le théâtre d’une naissance artistique qui a pour nom Issaïa. Voici donc la genèse de cette si belle aventure.

Tout a commencé lorsque mon collègue de travail et grand ami artiste Michaël vient se pointer le bout du nez à la fin d’un cours que je donnais à la session d’hiver 2009, le vendredi soir. Inspiré par le son des djembés, je l’invite à se poster derrière le micro et se laisser bercer par la musique. Aussitôt dit, aussitôt fait, cet inimitable créateur se laissa porter par l’énergie et c’est ainsi que naquit les toutes premières notes d’une pièce musicale qui prendra pour nom le titre de cet article. Sans aucun effort apparent, mon ami accoucha d’une mélodie qu’il estima hautement accrocheuse. Tellement qu’il saisit aussitôt mon téléphone cellulaire pour se chanter à nouveau les notes dans sa boîte vocale, c’est tout vous dire.

Je me souviendrai toujours de ce moment-là comme le début d’une très belle collaboration entre deux âmes qui, à prime abord, n’avait rien en commun, à part le fait qu’ils travaillent tout deux dans la même boîte.  Une force nouvelle a émergé suite au germe musical qui avait été planté cette soirée-là. La semaine suivante, j’obtenais le feu vert pour prendre en charge le groupe des Débutant 1 de la plus grosse école de percussions du Canada. Et j’acceptai tout de suite le mandat, rêvassant du moment magique du spectacle de fin de session, suite à la proposition un peu loufoque de mon ami. Comme quoi, tout s’enlignait pour que le projet Issaïa puisse prendre forme.

À la mi-avril, je me retrouve devant quelques quatre-vingt étudiants qui n’ont aucune idée de ce qu’est le djembé, mais qui ont un désir d’apprendre et de découvrir cet instrument extraordinaire. Ce leitmotiv a été le carburant dont je me nourrissais chaque semaine pour porter à bien ce projet qui m’était cher. Dès lors, en prenant le pouls du groupe et en m’asseyant avec mon comparse pour établir les bases du projet, le concept s’est imposé de lui-même. Il fallait oser transformer l’image masculinisante du djembé, oser exposer sur scène une autre facette de l’instrument, son côté féminin, plus doux, plus équilibré dans les textures et les sons. Trop souvent les numéros des étudiants incarnent la puissance brute de la percussion africaine, alors il était temps d’explorer d’autres avenues.

Les premiers cours ont débuté et le projet du spectacle a hiberné le temps d’amener la meute des percussionnistes à un niveau satisfaisant pour leur exposer l’idée. Pendant ce temps, Michaël a concocté une trame musicale avec ses bidules électroniques. Je me souviendrai également longtemps de la première écoute chez lui, dans son mini studio, puisque sans même en avoir parlé ensemble, il avait choisi le genre musical idéal pour concrétiser l’intention de la puissance féminine du numéro: le reggae.

À la neuvième semaine de la session, il est venu le temps d’exposer notre idée un peu folle au groupe d’étudiants. J’étais nerveux car je craignais que l’idée soit mal accueillie. Mais, aussitôt les grandes lignes expliquées, le stress s’est transformé en grande excitation, car les étudiants ont très bien réagi et leur enthousiasme a tout de suite été un puissant levier créatif pour la suite des choses. Dès lors, il fallait tout peaufiner, et petit à petit, les rythmes ont été maîtrisés, les pas bien exécutés, et une assurance et une prestance ont rejailli dans le groupe.

Malgré tout, quelque chose manquait. Il fallait pallier à la présence vocale masculine de Michaël. C’est pourquoi un bon soir, j’appelais mon amie chanteuse Annie pour lui proposer de venir chanter avec quelques quatre-vingt percussionnistes. Ce fut un argument très persuasif qui la força à annuler son week-end de camping prévu la journée du spectacle. Ce fut un autre très beau moment que de la présenter à Michaël, car aussitôt une belle chimie se créa entre nous tous. Sur la musique déjà vivante, il fallait y ajouter quelques paroles évocatrice du symbole féminin qu’est Issaïa, et Michaël a eu une superbe idée en composant le texte en quatre langues différentes. Le surlendemain, les étudiants furent emballés et nous avons décidé de garder une portion chantée, pour que la puissance de la voix et du djembé s’unifie. Je ne peux vous décrire la décharge électrique ressentie dans ma colonne vertébrale quand j’ai entendu les voix la première fois.

Une semaine avant le jour «J», j’ai invité ma grande amie percussionniste Myriam à venir participer au numéro, ne serait-ce que pour la voir et l’entendre avec ses magnifiques solos de djembé. Elle devait participer à notre numéro, incarnant à elle seule l’énergie insufflée depuis le dernier mois au sein du groupe. Les dernières répétitions se sont déroulées sans anicroches, et tous avaient hâte de montrer à quel point ils avaient compris la richesse du tambour africain.

Le dimanche 5 juillet arrive enfin et la journée est magnifique. Une des seules journée de juillet qui le sera d’ailleurs. J’arrive très tôt sur les lieux, et la répétition avec les étudiants se déroule à merveille, le temps de tout bien vérifier au point de vue technique, de placer les gens sur scène, et de rejouer une dernière fois le numéro. Tout baigne dans l’huile, si bien que le reste de la journée s’offre à nous pour décompresser et attendre enfin la soirée et la venue des spectateurs. Le soleil descend dans le ciel peu à peu, et sans trop m’en rendre compte, l’heure du spectacle arrive enfin. Le temps de donner mes dernières indications à mes élèves, nous sommes fins prêts, installés derrière la scène. Posté contre la porte menant en coulisse, j’entends les premiers applaudissements, le rideau s’ouvre et je me dis: «Ça y est, dans quelques minutes, Issaïa sera réalité.»

Lorsque je marche sur la rampe qui me mène sur scène, un sentiment de paix et de sérénité m’habite. Peu importe ce qui arrivera dans les prochaines secondes, j’étais absolument convaincu que tout le monde serait pour livrer le meilleur d’eux-mêmes. Dès que tous furent bien installé sur scène, j’ai fait signe à Michaël, et dès que les premières notes de son hautbois électronique jaillirent des hauts-parleurs, une profonde émotion m’enveloppa, et je pense bien qu’elle se propagea dans toute la salle. Je vous laisse voir par vous-même le résultat en vidéo.

Même si quelques pépins techniques d’ordre sonores sont venus perturber le numéro, le résultat fut grandiose. Jamais je n’ai senti une telle unicité dans le groupe, une telle volonté de porter Issaïa, emblême de féminité, dans le coeur des gens. Pour moi, ce fut un moment fantastique et inoubliable de pouvoir partager ma passion de cet instrument avec autant de gens. Une apothéose qui a dépassé toutes mes attentes. Je suis sorti de scène avec le sentiment d’avoir accompli une très belle et grande chose, et je me suis dit que c’est pour cette raison précise que j’enseigne le tambour africain aujourd’hui.

Merci à tous ceux et celles qui, de près ou de loin, ont réussi à faire en sorte qu’Issaïa puisse voir le jour!

Crédit photo: Rémi Giguère

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