De mon humble expérience d’enseignant en percussion, une des questions qui m’est le plus souvent demandée est celle-ci: comment arriver à pouvoir obtenir la puissance et les tonalités aiguës et tranchantes de la claque au djembé? Cette question représente tout un défi pour n’importe quel novice en djembé, et il existe très certainement plusieurs marches à suivre pour pouvoir réaliser cette tâche. Voici donc mon cheminement personnel, qui est, je dois le préciser, totalement arbitraire et qui ne saurait s’appliquer à tous. Cependant, je pense qu’il est utile de partager mon expérience sur le sujet.
Avant d’aller plus loin, je vous inviterais à aller lire mon article traitant des trois sons de base du djembé avant de poursuivre votre lecture. Je ne m’attarderai donc pas à l’explication de comment fait-on une claque au djembé, mais bien plutôt à la démarche poursuivie pour développer le son en question. Rappelez-vous cependant d’une chose très importante: la claque au djembé se développe à force de patience et persévérance d’abord et avant tout. Ce n’est pas un son qui «vient vers soi», mais bien l’inverse.
Penser claque
Avant même de tenter quoi que ce soit sur votre djembé, ayez en tête cette parole de Mamady Keita, qu’il cite dans ses DVD d’apprentissage de rythmes:
Peu importe le son joué au djembé, il faut d’abord le penser dans sa tête, dans toute son entièreté. Se l’imaginer. Comment il résonne. Ensuite, il faut le jouer avec ses mains. Et non l’inverse.
Explorer la surface de la peau
La première étape, après avoir vécu votre initiation au cours concernant la claque, est l’exploration. Lorsque j’ai débuté l’apprentissage du djembé, il a fallu que je m’assise avec mon instrument. Il est très important de faire la démarche de recherche des sons en étant en position assise. Ainsi, le djembé est stable et repose au sol, évitant des distractions supplémentaires et surtout, une dépense d’énergie inutile (avez-vous pensé à la quantité d’énergie requise pour supporter le poids du djembé sur soi ?).
L’exploration de la peau du djembé est l’art de changer légèrement sa position de main et son angle d’attaque sur la peau. Il faut tenter le plus possible de frapper au même endroit (c’est-à-dire, au bord du djembé), tout en modifiant très peu la position des doigts, et surtout, varier la quantité de chair qui frappe la peau de chèvre. Avancez les doigts, reculez la main, espacer plus ou moins chaque phalange, par quelques millimètres seulement, voilà une première étape à tester. Cette manoeuvre peut avoir un impact considérable entre une tonique et une claque.
Un équilibre entre détente et tonus
La claque au djembé est l’art d’équilibrer deux concepts, soit la détente des doigts et de la main, ainsi que le tonus musculaire. Il ne faut pas trop détendre, ni trop crisper la main. Cet équilibre est primordial car il permettra de frapper la peau avec la vigueur nécessaire pour produire les harmoniques caractéristiques du son claqué. C’est évidemment un concept infiniment personnel, propre à chacun, et c’est ce qui demande le plus de travail. La séquence cinétique de baisser le bras, le premier contact avec la base des doigts, le transfert de poids avec le poignets dans le bout des doigts, et le relâchement final des extrémités des phalanges, tout ça se fait en un clin d’oeil, aussi faut-il prendre le temps de bien comprendre chaque étape.
La confiance des mains
Je me souviens très bien, lors d’une séance de jam improvisé avec des collègues, j’étais en train de jouer l’accompagnement du Kuku, totalement enivré par la musique. Nul besoin de vous dire que la théorie de la claque était très loin de mes préoccupations. Et bien, aussi surprenant que cela a pu paraître à ce moment, mes mains se sont mises à produire des claques – certes, en de rares moments – mais je les entendais très bien! Outre un débordement de joie extrême, je fus victime de cette nouveauté sonore et je m’arrêtai net, plus par stupéfaction qu’autre chose. Et la première question qui me traversa l’esprit à ce moment fut: «Comment aie-je pu faire ça»?
Le défaut ici serait de se dire, j’arrête de jouer et je recommence la sempiternelle séquence de placer ses mains de milles et une façon. Or, ce n’est pas ce que j’ai tenté. Je me suis dit qu’il valait mieux continuer de jouer et voir si le son entendu n’était qu’un simple hasard. Et bien non, peu de temps après, le son si convoité est réapparu à mes oreilles. Il est important, rendu à cette étape, de bien mémoriser ce son qui vous est propre, et que vous sentez, au plus profond de vous-même, être une claque. À partir de maintenant, c’est la sonorité que vous tenterez de retrouver à chaque fois que vous allez claquer la peau de votre tambour.
Cette étape, je la désigne sous le nom de confiance des mains. C’est un processus passif, qui se fait strictement dans un cadre de plaisir de jouer, et non pas dans un cadre pédagogique comme lorsque vous apprenez un rythme pour la première fois. Il s’agit donc de jouer des accompagnements que vous connaissez déjà – contenant des sons claqués on s’entend! – et de chanter dans votre tête les bons sons en laissant vos mains se placer instinctivement sur votre tambour, sans hésitation. Tout en ayant déjà connaissance des mouvements à opérer pour faire la claque, commencez graduellement à implanter ces mouvements dans votre jeu de mains. Il est important de ne rien précipiter, mais de vous laissez-aller. Cette technique vous ouvrira grand la porte vers des sons nouveaux.
Les exercices ton/claque
Lorsque vous avez expérimenté la claque à plusieurs reprises dans ce contexte, il est temps de s’asseoir à nouveau avec votre djembé et de faire des exercices techniques avec le but de comparer le mouvement – et le son – de vos deux mains lorsqu’elles jouent le ton et la claque. Commencez par la main forte (ex.: main droite pour droitier), et faites, à intervalles réguliers, une tonique suivi d’un son claqué (en jouant des noires sur une pulsation par exemple). Travaillez surtout le mouvement de fermeture et d’ouverture des doigts de la main. Lorsque vous jugez les sons adéquats, changez pour des croches au lieu de noires (donc deux fois plus rapide). Répétez le même exercice avec la main faible, et travaillez là deux fois plus longtemps, car elle vous demandra plus d’effort. Votre maître vous donnera également une panoplie de bons exercices pour parfaire votre claque.
L’importance d’utiliser son propre djembé
Un dernier mot concernant votre instrument. Si vous pratiquez avec un djembé dont la peau est bien tendue et de bonne qualité, et toujours avec le même instrument, vos sons claqués prendront beaucoup moins de temps à se développer. Vos mains deviendront vraiment à l’aise de jouer sur votre djembé, car chaque tambour est sculpté de manière différente. Je parlerai dans un texte futur du moment où il est bon de se procurer son propre tambour africain.
En conclusion
Pratique, pratique, pratique, pratique…L’aie-je assez mentionné? Sérieusement, c’est la clé du succès! Par contre, essayez de pratiquer de différentes façons, comme les exemples cités auparavant, ainsi que dans des contextes différents (par exemple lors de jams improvisés, ou bien seul dans une pièce avec un métronome). Il est très important de pratiquer dans ces diverses conditions car produire des claques seul, dans une petite pièce, est très différent lorsqu’on joue dehors au sein d’un grand groupe…N’hésitez donc jamais à profiter des occasions qui s’offrent à vous!
Sentez-vous bien à l’aise de commenter cet article et amener vos propres idées et expériences sur la question. Ah oui…bonne pratique! :-)