Je vous vois déjà devant votre écran à faire défiler l'article et à vous dire: "Ouf, c'est pas mal long comme procédé! Vais-je me souvenir de tout cela?" Il faut vraiment au départ y aller étape par étape. Lisez chacune des sections de cet article dans l'ordre et arrêtez-vous après chacune pour bien saisir les détails. Puis, mémorisez bien les deux figures que j'ai inséré dans le texte, et surtout, consultez 10 fois plutôt qu'une le vidéo à la fin pour vous remémorez la méthode. Plus vous pratiquerez sur votre djembé, plus vous serez vite habitué! Je me souviens très bien que lors de mon premier essai, j'ai vite trouvé que ce n'était vraiment pas si pire que ça après tout! Voyons maintenant comment le tout fonctionne.
La tension et le djembé, ça marche comment?
Avant de commencer à expliquer la méthode proprement dite, il faut prendre un moment pour comprendre comment fonctionne la tension de la corde sur un djembé. Tout d'abord, la corde de drisse d'un djembé a une longueur de 4 à 5 mètres et elle fait tout le tour de l'instrument. La corde de djembé est tressée en verticales et elles sont jumelées par paires. Dans une paire, le premier brin (1 en jaune) aura une tension ascendante, alors que dans le deuxième brin (2 en jaune), la tension sera descendante. Référez-vous à la Figure 1 ci-dessous pour vous familiariser avec le tout (flèches bleues).
Figure 1 - Le tressage de la première rangée |
Cette répartition de la tension de la corde garantit que peu importe l'endroit, la peau conservera une tension, donc une pression égale. C'est pourquoi, lors de la pose de la peau, il faut s'assurer que les verticales soient les plus tendues possibles. D'ailleurs, c'est un excellent truc à prendre en compte lors de l'achat d'un djembé: pincer deux verticales d'une même paire et évaluer la résistance dans vos doigts lorsque vous tentez de rapprocher les deux brins ensemble. Plus vous avez de la difficulté à les pincer, plus c'est un bon signe, car la tension dans les verticales est déjà élevée.
Histoire de noeuds
Lorsque la peau de djembé vient d'être installée, presque toutes les paires de verticales sont décroisées, à moins, bien sûr, que le vendeur n'ait pris le temps de tendre la peau pour vous. La corde de votre instrument aura donc un grand excédent, et c'est avec ce surplus que vous travaillerez à augmenter encore plus la tension dans les verticales. En enfilant le surplus de corde, tout en suivant un motif de tressage très précis, vous obtiendrez graduellement une tension additionnelle sur votre peau, et le son va augmenter en tonalité (le fameux pitch). La clé à comprendre dans le mécanisme de tressage est que chaque paire de verticales va, lors d'un premier tour de fût, se croiser, augmentant encore plus la tension. Le croisement constitue un noeud qui bloque la tension en un point précis de la peau. Plus les noeuds augmentent, et plus la corde sera tendue. Je souligne ici que je n'utilise pas le terme "étirement" ou "étiré" car la corde de drisse a comme particularité de n'être à peu près pas élastique, sinon, il serait impossible de pouvoir engendrer un accroissement cumulatif de tension dans la peau de chèvre.
En créant des noeuds tout le tour de votre djembé, vous en viendrez à observer que l'excédent de corde forme peu à peu une ligne horizontale parallèle à l'anneau inférieur. Cette ligne, une fois complétée, vous obligera à débuter une deuxième rangée de noeuds, toujours selon la même logique que je détaillerai dans la prochaine section. Cette deuxième rangée de noeuds provoquera l'apparition d'un pattern en losange ou en "diamant" dans le bas du djembé, comme vous le verrez plus loin. À noter qu'à ce moment, la tension augmentera de façon exponentielle dans la peau, et il faut être assez vigilant de ne pas trop tendre la peau à ce moment.
Les précautions à prendre
Tendre un djembé est, je vous avertis tout de suite, très exigeant sur le plan physique. On utilise tout notre corps comme levier afin de maximiser la tension de la peau pour chaque noeud, afin d'éviter de gaspiller l'excédent de corde. C'est pourquoi il est important de vous munir d'outils adéquats et surtout, d'avoir la bonne posture. Munissez vous d'abord de gants antidérapants, afin d'évitez de vous infliger des ampoules aux doigts (croyez-moi, au début, elles apparaissent vraiment vite!). Il est impératif aussi d'avoir en main un bâton (j'utilise des bâtons de dununs, mais si vous n'en avez pas, un manche à balai ou un barreau de chaise peut faire l'affaire - tout objet cylindrique assez long pouvant être pris fermement avec les deux mains à chaque bout). Ce bâton servira comme levier lors de la création des noeuds. Finalement, un objet pointu, comme des clés, ou bien des pinces d'électricien seront utile afin d'aller chercher le bout de corde coincé entre les verticales (surtout si vous avez de gros doigts!).
Maintenant, installez-vous confortablement. Au Sénégal, les percussionnistes se placent à califourchon sur le fût de leur djembé, les genoux étant vis-à-vis de la jonction entre la partie large et étroite du fût. Les fesses bien appuyées sur le bois, la traction de la corde est exercée par tout le corps, selon le même geste que le rameur dans son canot, ce qui maximise l'opération. Aussi est-il préférable de vous munir d'un coussin pour cette étape. Assurez-vous de vous étirez préalablement, surtout les muscles dorsaux et des bras, avant ET après la tension de votre tambour. Aussi, à chaque 15-20 minutes de travail, levez-vous et faites quelques pas en bougeant vos épaules et en secouant les mains, tout en faisant quelques rotations du bassin. Il est très facile, si vous ne prenez pas assez de précautions, de vous "barrer" le dos. Ces quelques règles d'or étant maintenant connues, voici maintenant la clé du mécanisme de tension, ce que j'appelle le motif en "S".
Le fameux motif en "S" de la méthode à 2 brins
Voyons maintenant comment s'y prendre pour créer un noeud de tension de première rangée. À noter ici que je vous montre la méthode la plus couramment utilisée pour tendre une peau de djembé. C'est celle qui est la plus répandue et je la nomme "méthode à 2 brins" car on se sert de deux verticales (donc une paire) afin de créer notre noeud. Il existe une autre méthode, dite à "3 brins", qui, vous l'avez deviné, utilise trois verticales (soit une paire et demie). Nous allons nous en tenir à la première méthode, que j'ai toujours utilisée sur tous mes djembés.
En vous fiant à la Figure 1, vous remarquerez le mot "Référence". C'est le point de repère visuel à observer pour ne pas se tromper de paire de verticales. Si la corde de djembé a été bien tressée au départ, les paires de verticales devraient être bien identifiables, puisque ce sont celles qui sont les plus rapprochées l'une de l'autre. Cependant, ce n'est pas toujours le cas, alors l'autre façon de bien s'assurer de les associer est de se fier au point d'ancrage de l'anneau inférieur. Les verticales forment des U qui partent toutes de cette base. Les deux verticales d'une même paire appartiennent toujours à 2 U différents. Comme mentionné sur la Figure 1, il suffit, avec ces 2 verticales (brins 1 et 2, chiffres jaunes), d'appliquer la méthode du "S" afin de créer le noeud. Voici les étapes, et je vous conseille de regarder le dessin:
- Passer l'excédent de corde SOUS le brin 1 ET 2.
- Passer la corde PAR DESSUS le brin 2.
- Passer la corde EN DESSOUS du brin 1.
À ce moment, vous verrez apparaître la fameuse forme de "S", et vous serez prêt à tirer avec votre levier. Plus vous serez au même niveau que votre instrument, plus la traction sera efficace. Au minimum, assoyez-vous sur une chaise basse, mais comme je l'ai décrit auparavant, le mieux est d'être assis à même le djembé (il est fait en bois et vous passez votre temps à frapper dessus en temps normal, alors à moins de peser plus de 130 kg, il ne devrait pas y avoir de danger!). Enroulez la corde non-tendue autour de votre levier de façon à ce qu'elle ne se déroule pas lors de la traction finale. Agrippez bien comme il faut les deux extrémités de votre levier avec les 2 mains, puis utilisez la force de vos jambes pour tirer (ET NON LE DOS!!!!!). Avec assez de force, les deux verticales vont se croiser, et se bloquer pour former un noeud.
Continuer ainsi de suite jusqu'à ce que toutes les verticales soient croisées. Ne vous inquiétez pas, à ce moment, il se peut que vous soyez mêlé de nouveau, mais il s'agit simplement de passer à la deuxième rangée maintenant, ce qui nous oblige à changer de point de référence.
La deuxième rangée de tension
Pour qu'un djembé sonne vraiment bien, il est très souvent nécessaire de faire un tour complet de noeuds et de passer au deuxième "étage" des verticales, en partant une nouvelle rangée parallèle au cerceau inférieur. Il faut désormais porter son attention au cerceau supérieur (proche de la peau), car notre point de référence est rendu à ce niveau pour choisir les bonnes verticales d'une même paire. Comme l'illustre la Figure 2, et contrairement à la première rangée, un seul et même «U» correspond à une paire. C'est donc encore plus facile de les déceler. Mais, il faut toujours les choisir à partir d'en haut, sinon vous ne parviendrez pas à créer les bons noeuds.
Figure 2 - Tressage de la deuxième rangée |
Les deux brins verticaux de la paire étant bien identifiés, recommencez la méthode en "S" exactement de la même façon, en essayant toujours de faire descendre la corde le plus bas possible par rapport au fût. Le but est de se rapprocher le plus possible de la première rangée. Lors de la traction finale, le noeud créé va engendrer une forme en motifs pentagonaux, qu'on appelle la forme "en diamants". Cette forme est caractéristique des djembés. Prenez garde à ne pas faire trop de noeuds d'un seul coup, car la tension dans la corde croît exponentiellement à partir de la deuxième rangée.
Que fait-on avec la corde en trop?
Deux options s'offrent à vous. La plupart des gens enroulent la corde autour du pied du djembé et font un noeud coulant pour la maintenir en place. L'autre option est de fabriquer une tresse avec l'excédent. C'est esthétique et la tresse, une fois attachée à une verticale du djembé, peut servir en guise de poignée, un élément pratique à votre instrument.
Éléments à prendre en considération
- Toujours garder un oeil (et une oreille) sur la tension de la peau. Il est très subjectif de déceler quand un djembé est assez tendu, mais généralement, avec le pouce, on enfonce le centre de la peau et on juge la résistance. Une peau d'un djembé bien tendue devrait à peine renfoncer lorsqu'on presse dessus.
- Je l'ai déjà mentionné, mais prenez le temps de bien vous étirer après 3 ou 4 noeuds et/ou vous lever.
- Concernant la corde horizontale parallèle à l'anneau inférieur, il faut absolument qu'elle DEMEURE HORIZONTALE tout le tour du djembé. C'est ce qui garantit à votre peau le maintien de sa tension. Si vous voyez que la corde monte pendant que vous tirez les noeuds, il vaut mieux défaire le noeud en question et tirer la corde avec votre levier pour la faire descendre. C'est fastidieux, je sais, mais c'est très payant en bout de ligne.
- Il faut absolument éviter de tirer votre djembé dans une période caniculaire avec beaucoup d'humidité, car lorsque le temps sec revient, la peau se tend naturellement, et s'il y a trop de noeuds de fait, elle va fendre. Certains le font malgré tout, pour ensuite défaire les noeuds en trop après avoir joué. Je ne suis pas un grand adepte de cette approche, et j'aime mieux tendre mon djembé sans revenir en arrière par la suite.
Dernier truc: l'enfilage de la corde
Ce n'est pas tous les percussionnistes qui font ça, mais moi j'utilise ce truc pour éviter que la corde ne s'enroule sur elle-même lorsque je fais la méthode en "S". Je fais une boucle avec l'extrémité de la corde et je passe cette boucle sous les verticales, de sorte que j'empêche le bout de corde de s'effilocher et c'est plus facile de la récupérer avec ses doigts, ou avec la pince par la suite.
Et maintenant...le vidéo
En conclusion
Je suis conscient que cet article contient beaucoup d'information. Cela réflète à quel point tendre son djembé est un élément incontournable de la percussion africaine. C'est un art qui s'apprend en osant essayer, donc ne vous sous-estimez pas! La beauté de la chose réside dans la répétition: après avoir fait trois ou quatre noeuds, la méthode devient beaucoup plus claire et vous serez plus confiants dans votre travail. Ne lésinez jamais par contre sur l'aspect physique, et garder conscience qu'il vaut mieux être dans un état reposé pour tendre votre djembé. Ce dernier vous le rendra encore mieux! Rien de mieux qu'un djembé qui sonne avec son plein potentiel après avoir transpiré et forcé des bras! ;-)
Bon tressage!
N.B.: Estimez-vous cet article complet? Trop compliqué? Que manque-t-il pour en faire un guide complet? Quelle est votre posture lorsque vous faites vos noeuds? J'aimerais bien lire vos commentaires et surtout, vos conseils personnels chers percussionnistes!