mardi 4 mars 2008

Comment apprendre un rythme ?

Aujourd'hui, je vais répondre à une question qui m'est insconsciamment posée par la grande majorité des étudiants. J'utilise le mot "inconscient" ici, parce que je sais pertinamment que tout le monde se pose un jour ou l'autre cette fameuse question, mais personne n'ose la demander de vive voix de peur de se faire passer pour un incompris. Alors, qu'à cela ne tienne, après la lecture de cet article, vous pourrez, je l'espère, entamer un apprentissage éclairé de vos rythmes.

Avant toute chose, il faut avoir en tête que l'apprentissage d'un rythme est beaucoup plus que de la simple mémorisation. C'est un art qui s'apprend, un entraînement qui doit devenir journalier, pour faire en sorte que l'effort investi devienne une habitude. Voilà pourquoi la majorité des gens se sentent déstabilisés aux premiers abords, puisque souvent, plusieurs pensent que de simplement apprendre par coeur le rythme est suffisant, ce qui est tout faux. Voyons d'abord l'approche de base à adopter pour pouvoir garantir d'investir le bon effort et ne pas gaspiller temps et énergie de façon inutile.

Visuel ou auditif ?

Je suis toujours fasciné par cette dualité chez les gens qui se manifeste presque à tout coup lors des cours. Combien de fois aie-je entendu dire que « j'ai de la difficulté à apprendre parce que je suis visuel, j'ai besoin de voir avant d'entendre ». Le fameux schisme entre le caractère visuel ou auditif rend l'apprentissage des percussions plutôt hermétique. Selon moi, il faut mettre à contribution les deux pôles, les deux conceptions, car dans chacune d'elle, il s'y trouve des moyens pour bien mémoriser et assimiler la matière. C'est pourquoi dans cet article, je vais présenter la démarche pour apprendre les rythmes selon les deux approches, dans le but d'établir une synthèse qui vous aidera à consolider votre apprentissage en vous affranchissant de cette vision trop restreinte de voir tout selon une seule et même vision.

La tradition orale

Il ne faut pas se le cacher, les rythmes africains sont transmis et enseignés d'abord et avant tout de manière orale. Les élèves s'installent à côté de leur grand maître dans les cérémonies de danse en Afrique et pendant des heures, ils reproduisent tant bien que mal ce que leur maître leur demande, seulement en écoutant et en regardant. Aucune note manuscrite n'est disponible, encore moins les enregistrements audio. Pourtant, ces rythmes ont traversé les siècles et les générations pour arriver jusqu'à nous, en étant certes quelques peu déformés (donnant ainsi lieu à une richesse incroyable de diversité dans les accompagnements), mais encore aujourd'hui, les maîtres djembéfola et les griots transmettent cet héritage basé uniquement sur la mémorisation et les sons.

Cette approche n'est certainement pas adaptée à l'enseignement occidental. Chez nous, tout doit être plus cartésien, et surtout, immortalisé sur le papier. Il a donc fallu convertir cette approche pûrement auditive pour créer un système de notation simple, compréhensible et universel, s'affranchissant des langues et des pays. Des grands maîtres djembéfola comme Mamady Keita et Famoudou Konaté sont grandement responsables de la diffusion et du maintien des connaissances des rythmes africains dans la civilisation occidentale. Sans eux, nous en serions encore au stade de tenter de briser la barrière entre le visuel et l'auditif.

C'est pourquoi selon moi, un équilibre entre les systèmes de notation écrite et les enregistrements auditifs consiste à la clé dans l'apprentissage des percussions.

Pendant le cours: l'exposition au rythme

La première étape consiste à se faire introduire au rythme lors des cours. Comme moi, vous êtes subjugué par la beauté du rythme lorsque le prof et ses assistants jouent devant vous les trois accompagnements, le tout s'imbriquant dans une majestueuse harmonie. L'étonnement passé, il est maintenant temps de s'atteler à la tâche de décortiquer tout cela.

Pour y arriver, je conseille d'abord et avant tout de ne pas vous attarder à l'ordre des mains. C'est souvent un handicap, du moins au début, que de savoir d'emblée quelle main joue en premier. Ayez simplement en tête le principe suivant:

La main forte est celle qui marque le temps.

 

Cela signifie que si vous êtes droitier, la main droite va, la plupart du temps, marquer la pulsation rythmiques (soit les 4 temps d'une mesure binaire ou les 3 temps d'une mesure ternaire). Et vive-versa si vous êtes gaucher.

En observant toujours le prof exécuter l'unité rythmique, repérez, de façon auditive, les sons qui marquent la pulsation d'une part, et en même temps, les mains qui y correspondent. C'est la base absolue pour établir ses repères. Car, lorsque plus tard, le rythme sera joué dans son intégralité, c'est à ses repères qu'il faudra s'accrocher si jamais vous perdez le fil. Cette étape mène finalement à la suivante, qui consiste à apprendre la séquence sonore des accompagnements rythmiques et sentir le rythme.

Après le cours: la consolidation

À la suite du cours, deux choses peuvent arriver. Soit vous avez réussi à franchir la première phase décrite auparavant avec succès, soit il y a encore du travail à faire de ce côté. N'ayez crainte, c'est souvent juste une question de temps si tel est le cas. La deuxième étape consiste à consolider le rythme à la maison, en effectuant de petites manoeuvres bien simples qui vous sauveront du temps.

Si vous suivez des cours hebdomadaires, vous avez donc sept jours pour consolider votre apprentissage. Durant les deux premiers jours, ne regardez pas tout de suite la partition écrite. Essayez de vous replonger dans l'atmosphère du cours et chanter le rythme. Chanter-le jusqu'à en être saturé. C'est là que la dimension auditive prend le dessus sur le visuel. En chantant avec le système «POU-PI-PA», vous allez arriver à vous affranchir de l'effort conscient nécessaire pour retenir le rythme. Personnellement, j'effectue cette manoeuvre en marchant le jour pour me rendre au travail, car mes pieds font la pulsation au sol pendant que je suis en train de me remémorer les frappes. Vous pouvez tout aussi bien faire la même chose en tapant sur le volan de la voiture (sans les pieds bien entendu!...)

Au troisième jour et pendant les jours précédant le nouveau cours, assoyez-vous maintenant et ouvrez votre partition écrite. C'est maintenant le temps d'associer le contenu auditif avec le contenu visuel pour pouvoir arriver à bien comprendre la rythmique des accompagnements. Il existe beaucoup de trucs pour y arriver, et un des plus efficaces est d'identifier, via un système de couleur, les frappes qui tombent sur les temps et qui consistent à la base du rythme. En subdivisant chaque espace qui est compris entre deux temps (donc entre deux couleurs), concentrez vous sur ce que vous voyez, et recommencer à chanter à voix haute. Une fois le rythme en entier bien compris, c'est à ce moment que je vous recommande de vous concentrer sur l'ordre des mains. En procédant ainsi, vous empêchez de focuser sur les détails des mains et vous faciliter grandement l'intégration du rythme.

L'étape ultime: l'intégration

Lors de votre cours suivant, où d'habitude le prof fait un retour sur le contenu de la semaine d'avant, vous aurez l'occasion d'intégrer le rythme. C'est l'étape ultime de votre apprentissage. Si vous êtes en mesure de rejouer les divers accompagnements sans trop d'efforts conscients, c'est signe que vous avez bien assimilé la matière. Encore mieux, si vous êtes en mesure de le montrer à d'autres élèves, alors votre intégration est presque complétée.

Sachez par contre que selon le niveau où vous en êtes, l'intégration peut très bien se faire selon une période de temps plus ou moins longue. Il n'est pas rare de voir plusieurs semaines s'écouler avant de bien maîtriser un rythme. Une deuxième dimension de l'intégration du rythme est de voir si vous êtes en mesure de le jouer à divers vitesses et sur une longue période. Assimiler les frappes est une chose, jouer pendant plusieurs minutes un même accompagnent en est une autre !

Finalement, retenez ces trois mots pour ne pas perdre de vue le fil de votre apprentissage: exposition-consolidation-intégration. Cette méthode est tout-à-fait personnelle et vous pouvez en tirer l'ensemble ou un point bien précis selon votre guise !

Bon apprentissage!

P.S.: N'hésitez pas à me laisser vos commentaires ou suggestions pour parfaire cet article!

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