Je reviens ce soir d'un formidable cours où j'ai enseigné à une vingtaine d'étudiants. Complètement énergisé, j'ai peine à trouver le sommeil (vous n'avez qu'à jeter un oeil sur l'heure de publication de ce billet). Et pour cause, puisque le groupe a dépassé ses limites. Atteint de nouveaux sommets en terme de jeu et de qualité d'écoute. C'est tellement énergisant que je ressens encore les molécules d'adrénaline serpenter dans mes veines.
J'avais comme mandat ce soir de paufiner le rythme du tiriba que nous avons décidé Éric et moi d'enseigner cette session-ci. Formidable rythme ternaire, le tiriba est aussi un rythme complexe à sentir. En percussion, "sentir le rythme" est l'expression qui désigne la manière dont il faut interpréter la séquence de frappes formant l'unité rythmique. Par exemple, certains rythmes, comme le kassa, se joue de façon très carrée et très lourde, chaque frappe étant bien centrée par rapport aux références de temps. Pour le tiriba, c'est exactement l'inverse. Les frappes sont plus aériennes et tombent entre chaque référence de temps. Il est donc au début bien difficile de bien sentir le rythme et d'imbriquer les accompagnements les uns avec les autres.
Et pourtant, ce soir, alors que j'étais en plein centre du grand cercle formé par les élèves, mettant en place chacun des trois accompagnements, quelque chose qui me dépasse (et que je n'arriverai jamais à complètement saisir d'ailleurs) s'est produit. Des fois, j'ai été témoin de tentatives infructueuses d'arriver à agencer les accompagnements pour que le rythme puisse naître. Des cours complets à réessayer et réessayer la même chose, sans relâche. Et ce soir, presque du premier coup, le rythme a jailli comme le polichinelle sort de sa boîte. Chaque note au tambour était parfaitement synchronisée dans le temps.
Je ne peux vous décrire en mots la beauté et l'intensité de ce moment de grâce. Ce soir, en étant au centre du cercle, j'entendais en parfaite harmonie la magie du rythme. Le résultat d'un fabuleux travail d'équipe, où chacun y mettait tout son coeur et toute son énergie. Au centre de ce grand cercle, j'étais placé à sa fovéa, le nom donné à la zone de la rétine de l'oeil où les rayons lumineux convergent pour former l'image la plus précise possible. J'entendais autour de moi le résultat le plus précis possible du rythme, je sentais vibrer en moi chacune des ondes provenant des peaux de djembés, et j'avais dans la tête une pleine conscience de vivre un moment unique de joie et de bien-être.