Pour revenir à mon histoire, j'arrive donc lundi au local pour la pratique avant de se rendre tous au théâtre Impérial pour se familiariser avec l'endroit. Dès que je mets les pieds au local, j'entends comme un bruit bizarre faisant un mélodie. Et je vois alors en plein centre du local des caisses remplies de tubes de couleur en plastique. Louis vient à ma rencontre et me dit:" voilà les nouveaux dada de l'école, les tubes Samajam!". Je le regarde, l'air perplexe, mais je ne dis rien. Il veut franchement faire jouer des centaines de hauts dirigeants d'une banque, à leur assemblée annuelle, avec des tubes en plastique?? Sans réfléchir à ce grand paradoxe, je saisis un tube et je me mets à jouer avec pour voir où il veut bien en venir. Et je constate qu'effectivement, le son est plutôt intéressant, et en plus on peut le frapper sur soi ou dans ses mains, ce qui est visuellement créatif. Au fur et à mesure que les autres arrivent, nous montons une pièce musicale digne des plus grands orchestres de xylophone (OK, j'exagère mais quand même...). Puis, après deux ou trois téléphones, Louis vient nous faire le topo du déroulement des deux prochaines journées.
Comme je m'y attendais, le but de notre intervention est de faire apprendre un rythme aux 300 et quelques membres de l'Assemblée annuelle de la banque avec les tubes. Chaque personne en aura un ou presque, et chaque couleur représente une note de musique. Bien entendu, notre rôle est de guider tout ce beau monde afin de faire, comme un orchestre, une symphonie de tubes. Pour ma part, je suis en charge des tubes oranges, soit la note ré. Après un bon 10-15 minutes de pratique à balancer de droite à gauche et de devant en arrière, nous arrivons bien à maîtriser la fameuse pièce et Louis est survolté. Les dispositions sur scène données, nous mettons le cap vers le théâtre Impérial, non sans avoir chargé la van avec les quelques djembés, les caisses de tubes et les autres items importants pour le corpo. J'embarque avec Nicolas et Marcel dans le camion, mais comble de malheur, il est carrément enlisé dans la neige et on perd un bon 10 minutes à le décoincer. Nous avançons très prudemment sur la route car le mercure est en train de chuter vertigineusement sous la barre des -10 degrés, et la chaussée devient une vraie patinoire. Mais, Marcel est un as de la conduite, et nous stationnons enfin notre véhicule devant les portes du théâtre. Le reste de l'après-midi, nous passons du temps avec l'équipe d'organisation du congrès, puis Nico, Vanessa, Cheick Anta et moi partons en métro pour revenir tout juste à temps à Samajam pour le cours de danse.
Le lendemain, malgré mon mal de bloc dû à une sinusite qui fait en sorte que mes yeux pleurent et mon nez coule comme une chapelure, j'arrive au théâtre à l'heure pile, et sitôt arrivé c'est le temps de se rendre dans la grande salle pour aller porter nos instruments en coulisse. Vrai branle-bas de combat pour trouver un endroit qui ne dérangera pas les dizaines de personnes s'affairant à gérer les différents aspects de l'assemblée (son, objets, nourriture, etc.). Puis, vient le temps de placer les tubes à leur endroit respectif, soit sous les sièges. Très drôle de voir des madames habillée sur leur 36 devoir se pencher sous les bancs, sur l'ordre de leur président, pour ne pas que les convives voient les tubes avant le moment fatidique. Nous répétons sur scène avec le président et deux de ses bras droits. Puis, nous sommes en pause pendant une bonne heure, où nous mangeons les restants du buffet au 3e à la mezzanine, où les techniciens de sons et caméraman ont déployé leur arsenal imposant. On se croirait en plein gala Artis comme l'an dernier! Le congrès commence à l'heure pile, et nous avons tout juste le temps de pratiquer la pièce tubulaire une fois avant de se placer en coulisses pour attendre notre cue.
«Chers amis, il est bien important pour notre entreprise de favoriser le travail en équipe. Et aujourd'hui, nous aurons une petite démonstration de ce que ça signifie vraiment». Silence, puis soudain le président de la banque se met à faire un solo de djembé qui est ma foi fort réussi. Puis, à l'annonce du nom de Louis Bellemare, c'est le moment, Louis fait l'appel, et on s'avance avec notre entrain habituel dans la salle, sous les regards médusés d'une centaine de cols blancs. Le temps de faire un rabodae bien senti, et pour ma part battant la mesure au shaker pendant que Cheick fait un autre de ses solos de la mort, il est temps de vérifier la thèse que peu importe qui on est, tous ont le rythme dans le sang.
Sous l'invitation du président, les invités prennent leur tube, et Louis explique que l'on dispose de seulement 10 minutes pour créer une symphonie de tubes avec un rythme soutenu, et que tous doivent contribuer, comme dans une équipe. Et bientôt, comme par magie, des notes fusent de partout, les gens sont debouts, avec leur tube en train de taper dans leur mains, et le rythme fait encore son oeuvre, soit de rassembler une équipe de gens qui voilà même pas 5 minutes auraient pensé revivre une époque aussi lointaine que lorsqu'ils avaient 8 ans. Le président, juste à ma gauche, n'en revient pas. Je l'entends murmuré : «Mais...c'est écoeurant ce qui arrive là!» En effet, le moment a été super, la mélodie qu'on entendait n'avait rien d'un tintamarre, et pour une fois, nous avons réussi à faire oublier à des banquiers ce que le terme argent voulait dire.