samedi 24 mars 2007

Brûler les planches du Soda

Il y a de ces performances sur scène qui sont toujours marquantes. Celles qui sont livrées totalement sans filet, mais ironiquement sans pression non plus. Comme si on jouait pour des copains dans un salon. Et hier, c'est ce genre de show qu'on a livré, Annie, Jérôme et moi. Une des expériences de scène que je vais me rappeler longtemps.

J'arrive au Club Soda peu après 16h pour rejoindre Annie. La grande salle est presque vide, hormis quelques participants du show. Le test de son est présentement en cours, et tout se déroule rondement. Vu qu'il y a plusieurs groupes avant nous, Annie et moi avons tout le loisir de voir un peu le menu de la soirée, qui est excessivement varié. Des covers de groupes rock, à des numéros d'humour, à ceux de baladi et de swing, en passant par la musique du monde, tout y est. Jérôme vient nous rejoindre peu de temps après, et bientôt, nous entendons que c'est à notre tour de monter sur scène.

Apprivoiser une salle et sa scène, c'est toujours spécial. Peu importe sa taille et son aspect, c'est un des moments que j'aime particulièrement. On se sent tellement petit et démuni en ayant les projecteurs braqués sur nous, les techniciens de sons grouillant autour de nous. Ceux présents sont sympathiques, nous demandant à chacun ce que nous avons de besoin. Une fois bien installé, sur ma chaise et avec mon micro, nous commençons à faire nos deux pièces. La première, Como Siento Yo des Gipsy Kings, est une pièce gitane, suivie de August Day Song de la grande artiste Bebel Gilberto, superbe bossa nova. Et, pour clôturer le tout, nous avons décidé d'intégrer à la pièce de Gilberto une autre bossa, Zana de l'ex duo québécois Bete&Stef. La pratique est toujours un peu déstabilisante, puisque le preneur de son s'amuse à couper le son dans les moniteurs, pour ensuite les remettre, et couper ensuite le son à chaque instrument. Mais tout cela dans le but que le tout sonne parfaitement lors de la prestation. Et pendant ce temps, l'éclairagiste teste différents arrangements de lumières qui viendra mettre de la couleur dans notre prestation.

Nous cédons la place au band de notre ami Nicolas qui lui se transporte dans le monde de Manu Chao avec la pièce Me gustas tù, en plus de faire une de ses propres compositions. Ensuite, nous allons tous manger dans un resto vietnamien en face du TNM pour ensuite revenir au pas de course au Club Soda où le spectacle va bientôt débuter. La salle est déjà bondée, le rideau de la scène descendu, l'éclairage tamisé. Tout est en place pour un spectacle du tonnerre. J'accueille Marie-Jo et Antoine qui sont arrivés juste à temps pour le début du spectacle, et je file dans la loge du Club Soda pour voir un peu de quoi le tout à l'air. C'est un véritable branle-bas de combat là-dedans. Des manteaux empilés partout, des étuis de guitares répandus sur le plancher, chaque groupe répète dans son coin...Bref, tout le monde est fébrile de livrer une performance digne d'un grand show.

Le premier set se déroule tellement vite que j'ai eu à peine le temps d'apprécier les différents numéros. C'est toujours comme ça d'ailleurs. Par contre, ça m'a permis de vraiment bien m'imprégner de l'ambiance extraordinaire de la salle. La foule est super, belle énergie. De retour dans la loge, je félicite les musiciens et danseuses qui ont déjà été sur scène. Puis, avec Annie et Jérôme, on se met en retrait de la loge pour réviser et mettre au point les derniers préparatifs de notre numéro. Annie est nerveuse, mais elle chante déjà en plein sur la note, ce qui est très bon signe, la connaissant bien ;-) Et avec Jérôme, on ajuste nos cues pour être certain de ne pas rater nos "punchs".

Après deux mois de préparation, des soirées de salon à paufiner les chansons, à les réinterpréter, à les transformer, et surtout, à se les approprier, le grand moment est enfin arrivé. Un des responsables du show arrive et nous demande de monter en coulisses. La loge, située sous la scène, contient un escalier qui mène derrière le rideau du fond. Devant ce rideau, des danseurs de danse irlandaise à la Riverdance font aller leurs souliers à claquettes. Après, c'est notre tour. On peut sentir sans les voir tous ces gens qui regardent et passent une magnifique soirée. Le temps de faire une accolade à mes deux amis en les remerciant d'être tout simplement là à partager ce moment mémorable, les danseurs sortent un à un et on nous fait signe de s'avancer. Je suis le premier à sortir côté jardin, puis je vais m'installer à ma place, exactement identique à la pratique de tout à l'heure, lumières tamisées, gros spots de lumière et parterre rempli en prime. Mes deux partenaires s'installent à leur place, Annie salue la foule, et elle invite la foule à se laisser bercer par les rythmes chauds des pays chauds. Elle nous regarde chacun du coin de l'oeil, je prends une grande respiration, et c'est parti...

Jérôme fait son premier accord de guitare, puis embarque dans le rythme. Aussitôt à ce moment, je ne pense plus à rien, et je joue. Un sourire reste imprimé sur mon visage. Annie commence à chanter les paroles de Como Siento Yo, gracieuse et à l'aise. Elle est solide et sa voix résonne dans la salle. Jouer ainsi, en accompagnant une chanteuse et un guitariste, est vraiment totalement différent des expériences de scène auxquelles j'ai eu droit de participer jusqu'à présent. Plus doux, plus subtil, plus raffiné aussi. Je me laisse bercer par la douce musique, je rentre dans un état de grâce en percevant les regards sur moi, la chaleur intense des projecteurs, et nos notes de musiques sortant des moniteurs derrière nous. Puis, sans trop m'en rendre compte, Jérôme fait son dernier accord en guise de cue, et nous jouons notre finale. Aussitôt, la salle applaudit à tout rompre, et ce fut les 3 secondes où là j'ai vraiment pris conscience pourquoi les artistes ont besoin de ce contact privilégié pour survivre. Nous enchaînons ensuite avec notre deuxième pièce, tout en nuance, de Bebel Gilberto. Des murmures dans la salle se tuent au fur et à mesure que nous jouons. L'atmosphère est douce et chaude. Annie chante encore mieux sur cette toune. Elle est sienne, elle l'assume à chaque note, et cela pousse Jérôme et moi à jouer encore mieux. Nous enchaînons avec Zana, le tempo s'accélère, Jérôme épate la galerie avec un solo de guitare classique absolument génial, nous entamons notre finale et nous sommes transportés par les applaudissements et les cris de la foule jusque dans les coulisses, où je fais une longue accolade à Annie.

Depuis maintenant un an environ, j'ai eu droit à toute sorte d'expérience de scène. Mais je garde celle que je viens de vous raconter dans une classe à part. Partager de si beaux moments avec des amis qui nous sont chers, ça n'a pas de prix. À vous deux, je vous remercie du fond du coeur de m'avoir permis de vivre cette inoubliable performance.

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