jeudi 5 avril 2007

Critique de l'échec du matériel

Enfin!! Après 5 ans à attendre, à me retaper sans arrêt les Rêvez-mieux, Quatre saisons dans le désordre et Tricycle, enfin, j'ai entre les mains le morceau de plastique poli contenant les trésors des nouvelles chansons de Daniel Bélanger! Et après en avoir fait l'écoute en boucle depuis maintenant 2 jours, je peux enfin vous en faire mon humble critique.

Il y a toujours un caractère événementiel à la sortie d'un nouveau Bélanger. Comme retrouver une vieille paire de pantoufles enfouies au plus profond d'un garde-robe. J'en ai eu un excellent exemple lundi soir au Métropolis où il a été accueilli telle une rock star. Ô qu'on s'est ennuyé par une très longue absence, mais dans le fond je sais bien que ça vaut trop la peine, vu la classe à part dans laquelle les oeuvres de Bélanger se tiennent. Et c'est la première fois que je pouvais découvrir les nouvelles chansons live devant moi au lancement de lundi soir. Géniale idée que d'offrir ce spectacle gratuit, qui avait la classe, la prestance et le professionnalisme de tout show payant.

J'avais très hâte de pouvoir mettre le CD dans mon lecteur, m'asseoir, fermer mon cellulaire, et écouter d'un couvert à l'autre L'échec du matériel. Et je peux maintenant dire qu'encore une fois, Daniel Bélanger frappe dans le mille. Le propos est radicalement différent de ses oeuvres précédentes. En fait, le message en est un de conscientisation. Comme dit le titre de l'album, le matérialisme de la société est voué à l'échec. En cela, je ne connaissais pas Daniel Bélanger autant revendicateur. Mais, après en avoir fait l'écoute, cette revendication est faite d'une manière qui ne verse jamais dans un ton engagé comme on en est habitué d'en entendre. Encore une fois, tout est dosé à la perfection. Avec retenue et juste assez de messages dénonciateurs, on ne peut qu'acquiescer aux propos de Bélanger et de son constat. Ce dernier peut faire paraître son dernier cru comme étant noir, sombre et taciturne, mais il n'en est rien.

Ce que j'adore de Bélanger, c'est sa guitare. Des mélodies et des envolées qui sont sa marque de commerce. Et contrairement à Rêver mieux, il y a dans cet album un retour à cette guitare dans trois chansons, qui sont tout de suite pour moi les meilleures de l'album. D'abord, celle qui introduit le disque, La fin de l'homme, où Bélanger ouvre de façon percutante son propos en lançant un sérieux avertissement au monde. La poésie est là tout autour / Fragile, fragile, fragile et puis c'est fini... Superbe utilisation de la guitare comme percussion, et superbe dépouillement de la musique. Un autre classique vient de naître. Dans la même perspective, la superbe chanson La collision, clairement mon coup de coeur de cet album, utilise un peu la même trame musicale, mais cette fois-ci Bélanger traite de l'errance d'un individu, qui déménage de ville en ville, sans jamais se sentir bien, jusqu'à temps qu'il se décide, enfin, à s'affronter et à entrer en collision avec lui-même. La pièce titre de l'album, L'échec du matériel, contient encore une fois les même instruments. Propos cette fois de l'angoisse de l'homme face à toute cette valeur artificielle qui l'entoure, qui le hante, de sa responsabilité de maintenir le monde avant qu'il ne s'effondre...Sombre beauté que cette chanson, qui résume en elle seule tout le reste de l'album.

Dans une autre perspective, j'ai adoré les envolées de piano d'Une manière de parler, avec ses choeurs. Super belle idée que d'ajouter d'ailleurs des choeurs de voix aux chansons. Omniprésents dans pas mal toutes les chansons, ces choeurs appuient très bien les paroles sans jamais verser dans l'excès. Bélanger y arrive à dénoncer sans exagérer les propos vides de sens de la télévision, du changement climatique (intense utilisation de l'écriture automatique dans la pièce Tout à coup), et même, de la perte d'emplois des travailleurs d'usine. Mention spéciale aux deux pièces instrumentales, Amusements et Demain peut-être. La première utilise des échantillons de balles de ping-pong et de tennis pour faire un rythme auxquels se couchent de superbes envolées de piano, alors que la deuxième est plus étoffée, mais ô combien belle à entendre avec ses choeurs, ses guitares, ses percussions indiennes et ses violons.

Le seul bémol que je peux trouver à cet album, c'est peut-être quelques chansons qui cadrent moins bien avec le reste, comme la dernière chanson clôturant l'album. Peut-être dois-je encore réécouter l'album pour en découvrir le sens profond. Car oui, c'est un album tellement profond qu'il en faut plusieurs écoutes pour en décortiquer le sens et baigner dans un monde où le matériel est tenu en échec, où le temps prend une pause afin de se laisser voguer par la mélodie d'un maître incontesté du génie musical québécois.

Ma cote: 4 étoiles sur 5 (sujette à augmenter suite à plusieurs écoutes).

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