En me mettant la tête sous le jet de la douche pour chasser la fatigue, je sens que je commence à avoir plus d'énergie et je laisse l'adrénaline m'envahir peu à peu. Je file avec cette énergie positive jusqu'au Centre Bell, où je croise sur mon chemin d'autres percussionnistes de Samajam avec qui je vais partager cette expérience hors du commun. Nous arrivons enfin au temple du hockey Montréalais et nous rejoignons le reste du groupe à notre loge. Tout le monde est fébrile, le sourire aux lèvres, et prêts à plonger dans le moment.
Après avoir canalisé et fait monter encore plus l'adrénaline en faisant un jam intense improvisé par Cheickh Anta, Nadeige, nouvelle coordonnatrice des évènements spéciaux de Samajam, entre dans la loge et nous souhaite la bienvenue, pour ensuite nous donner les premières directives. Et c'est là que le fun commence car personne ne se souvient vraiment de sa position respective dans les files indiennes déterminées lors de la pratique de dimanche dernier. Donc, il faut repositionner tout le monde, où à peu près. Vient ensuite une pluie de décisions. Qui aura des in-ears (les écouteurs servant à suivre les instructions de Luc Boivin et entendre le click ou le métronome)? Qui montera sur scène? Qui sera devant? Qui sera derrière? Nadeige pointe les gens et choisit. Elle arrive à moi, me pointe et me dit: «Toi, sur la scène.» J'ai senti à ce moment l'adrénaline monter d'un autre cran. Et j'ai eu un gros sourire étampé dans la face pour le reste de la soirée.
Parmi les 50 percussionnistes présents, seulement 6 parmi les élèves montent sur scène avec les professionnels et bien entendu, Éric Lapointe. Et j'ai la chance de faire partie des heureux élus, même si je sais pertinemment bien que cela aurait pu être le cas pour tout le monde qui est présent. Mais j'ai à peine le temps d'y penser, car Nadeige nous amène tout de suite sur les lieux du spectacle, en plein coeur de l'amphithéâtre, pour nous donner ses directives quant à nos positions sur la scène. Je dois avouer que j'ai peine à me rappeler des instructions tellement je suis fébrile. Sitôt monté sur la scène, ça me frappe en pleine figure. Un immense demi-cercle de 10 000 sièges vides et de quelques tables VIP, qui bientôt seront remplis à pleine capacité, se tiennent devant moi. J'entends à peine mon amie Nanci me dire: «Te rends tu compte de la chance incroyable qu'on a d'être ici et d'être SUR la scène!» Luc Boivin vient ensuite à notre rencontre et, toujours souriant et avec un calme olympien malgré le retard de la générale, nous explique ce qu'il va dire dans les écouteurs. Sur scène, je suis positionné côté cour, juste à côté de l'endroit où apparaîtra dans quelques heures le grand boxeur Lucian Bute, vedette de la soirée.
C'est fascinant de voir toute la mécanique derrière un show à grand déploiement tel que ceux donnés au Centre Bell. Des centaines de techniciens s'affairent à mettre la touche finale à l'immense montage de la salle. Le ring est beaucoup plus large que je me le visualisais mentalement, car à la télévision les plans se font toujours latéralement. La scène est vraiment grande, et des lignes de collants rayés jaunes et noirs sont collés partout, nous montrant les zones où il ne faut pas marcher. Sur scène, un technicien de son s'affaire à parler dans les micros, alors que l'ingénieur de son ajuste les hauts-parleurs. Pas très agréable d'entendre des "tsss", des "poum poum" et des bruits de voix quand tu es collé sur une colonne de plusieurs milliers de watt. Bientôt, les autres samajamiens viennent nous rejoindre, puis on se voit remettre nos fameux écouteurs, et on répète notre entrée.
Je vous dit, ce n'est pas évident du tout des répètes du genre. On doit tout vérifier, et être plus qu'à l'affut. Autant je dois écouter les instructions de Luc dans mes écouteurs, autant je dois marcher en synchronisant le pas sur le beat, surveiller où je mets les pieds, monter sur scène au bon moment, ne pas emcombrer la sortie du boxeur...Ouf! Mais on en vient qu'à y arriver. Et il faut composer aussi avec les sautes d'humeur des artistes, car en effet, Éric Lapointe ne donne pas sa place sur une scène, c'est ça être un rockeur! Finalement, après être revenu dans la loge un peu décontenancé, Nadeige tient son debriefing en nous annonçant que bien des choses ont dû être modifiées faute de temps. C'est comme ça, les spectacles font souvent place à beaucoup d'improvisation à la dernière minute.
Enfin, on est libéré pour une heure afin d'aller manger, et un autre branle-bas de combat commence pour trouver un endroit rapide et efficace pour acheter de la bouffe, et ce, par un froid de -20 degrés. Premier arrêt, le Saint-Hubert mais, peine perdue, il y a une file jusqu'à dehors. On décide donc d'aller manger au 1000 de la Gauchetière où je prends des mets chinois. Puis, on revient au Centre Bell complètement frigorifiés, tout juste à temps pour recevoir nos billets section 201 pour assister gratuitement au début du match! On arpente les couloirs circulaires de la bâtisse pour arriver à nos sièges, et on assiste aux deux premiers combats. Je peux dire que je ne suis pas un fan de boxe, mais il y a une très belle ambiance dans l'amphithéâtre qui se remplit peu à peu. Mais franchement, les Coors Girls qui tiennent les pancartes de chaque round et qui dansent toujours selon le même pattern peu importe la toune, très peu pour moi. De toute façon les filles de Samajam sont bien plus belles et charmantes que ces poupées en plastique ;-)
On vient nous chercher après le deuxième combat, et nous retournons dans la loge pour pratiquer à nouveau les différents rythmes et les mouvements de pieds. Louis est de fort belle humeur et il nous encourage à plonger dans le moment présent, ce qui n'est vraiment pas difficile à faire compte tenu des cris de la foule prenant plaisir à voir leurs boxeurs préférés donner une solide correction à leur adversaire. Vers les 21h15, nous allons nous positionner de chaque côté de l'aréna, là où sortent les Zambonis lors des matches de hockey. Il s'en suit une interminable attente de 30 minutes, le temps de voir Bergeron cogner solidement son adversaire, en plus d'assister à un combat de 4 rounds de boxe féminine. Puis finalement, vient enfin le moment, notre show!! J'enfile mes écouteurs et je suis fin prêt à vivre chaque seconde du clou de la soirée, l'entrée en scène de Lucian Bute.
« OK tout le monde, standby, la gang de Samajam, c'est à vous dans 3...2...1...GO!» C'est ainsi que Luc donne le cue de départ. En file indienne, nous nous avançons enfin dans l'aréna, faisant résonner nos baguettes et notre peau de djembé. TAGADAGADA...BUTE!! TOGODODO...BUTE!! Cinq coups de baguettes de bois et cinq coups de basse bien solides suffisent pour mettre le feu aux poudres. Il y a tellement de monde qui crie, c'est hallucinant! Très rapidement, je me retrouve au devant de la scène, montant les marches dans le temps de le dire, passant devant Éric Lapointe déjà tout en sueurs scandant le nom de Bute, et je me positionne entre Louis et Nanci pour entamer notre beat de baguettes. Et, tout en regardant le splendide panorama devant moi, l'adrénaline est à son maximum. Tout est si grandiose et si beau! 10 000 visages, 20 000 mains qui tapent à l'unisson, 20 000 yeux qui nous regardent. Le temps de constater que je ne suis pas en train de rêver, Éric Lapointe dit: « Et maintenant, de Montréal, voici, Lucian BUUUUUUUUTE!!! » Je me retourne vers la droite, et les projecteurs m'aveuglant, je vois apparaître le boxeur vedette de la soirée, avec son capuchon et ses gants de boxe tout blancs, s'avancer sur la scène. Le regard enflammé, il s'avance fendant l'air de ses énormes poingts, les pieds sautillants, puis tour à tour nous le suivons, toujours en tenant le rythme. Finalement, je sors de l'aréna, en ayant peine à croire que je viens de mettre le pied sur la scène du Centre Bell.
De retour dans la loge, c'est le délire total. Tout le monde est sur un boost d'énergie incroyable. On se donne l'accolade, on rit, on crie, on gueule, il faut évacuer le trop plein. Nous sommes tous absolument emballés par tout ce qu'on vient de vivre comme émotions. Nous courrons ensuite à nos places pour assister au combat. Et c'est là que je constate que les deux boxeurs sont dans une classe à part. Vif comme l'éclair, enchaînant les droites et les gauches à la vitesse de l'éclair, Bute prend un malin plaisir à montrer à son adversaire Russe qu'il est le plus fort. Mais, ce dernier ne se laisse pas faire et se défend très bien. Malgré cela, Bute gagne son combat et la foule l'applaudit longuement.
Cette intense et magique soirée se termine très tard à la Cage aux Sports, où il y a le party VIP de la gang d'Interbox. J'y croise notamment Bergeron, Rodger Brulotte, Lucian Bute et Éric Lucas qui sont de fort belle humeur évidemment. Nous dansons au son de la musique rock des années 80, fort bien interprétées par un band local, pour ensuite quitter vers les 2hres du matin où je prends un taxi en compagnie de Marie-Chantal et Isabelle. J'arrive chez moi à 3h30 du matin, complètement transi de froid après avoir marché dehors pendant 15 minutes. Je m'endors en 5 secondes au son de la foule scandant le nom de Bute et de la percussion. Oui, cette fois-ci j'ai bel et bien vécu un rêve éveillé.
Et ce matin, en lisant les manchettes de sport sur RDS (le lien est ci-dessous), je tombe sur une chronique qui parle de nous en forts bon termes!
Par ailleurs, j’ai toujours aimé les entrées en scène des boxeurs. Ça fait partie du spectacle, du mythe de la boxe et ça nous met en appétit. Je ne peux donc pas demeurer de glace lorsque Lucian Bute fait son entrée. Le choix musical est parfait : Where the streets have no name, de U2, vient chercher les spectateurs. Sans compter la pyrotechnie et les tam tam. J’aurais aimé connaître le nombre de décibels à l’intérieur du Centre Bell tellement l’ambiance était survoltée. Bravo!
Wow, pas de doutes, nous avons vraiment été la cerise sur le sundae de la soirée!